La première fois était inconfortable. Il fallait le faire, je ne pouvais plus repousser. J’ai longtemps été observateur de ma propre sexualité. Ou plutôt celle des autres avec moi. Je ne leur prêtais mon corps que pour mieux les observer. C’était donc ça, le sexe. La belle affaire. Il ne s’y passait pas grand-chose, l’excitation me semblait plus stimulée par l’interdit que par l’acte en lui-même. Il n’y avait rien de nouveau. Rien qui ne différait de ma sexualité solitaire, en termes de sensation. Je faisais plaisir à quelqu’un plus que ça ne me plaisait réellement. Jusqu’à ce que je considérerai comme mon premier orgasme.
« La première fois ». Je déteste ce terme. Pour tout. C’est ce genre de sacralisation qui nous fout la pression. Pour tout. On s’en fout de la première fois. Surtout si ce n’est pas la dernière. Mon « premier » orgasme me marque puisqu’il contrastait enfin avec le reste de ma sexualité jusqu’alors. Je m’amusais des bruits que faisaient mes partenaires en en simulant à mon tour. Sauf que ce jour-là j’ai à mon tour fait un bruit ridicule, incontrôlé. Je m’étais laissé aller et n’avais pas cherché à contrôler ou observer, je n’ai pas eu le temps de réfléchir. J’ai alors compris le côté instinctif de ma sexualité. L’écart entre mes fantasmes et mes sensations. Je n’accuserai pas mes amants d’avant. C’est moi qui étais à blâmer. Du moins ce que j’avais bien voulu croire sur la sexualité.
On en fait des tonnes. On ne parle que de ça tout en la rendant tabou. On se mêle de celle des autres. Une compétition s’est même instaurée. Merveilleux… La frustration, le manque, la gravité n’entraînent que des perversions. À quoi bon limiter le sexe ? Tant que les participants sont consentants doit on se soucier du reste ? J’ai observé mes partenaires avec le jugement qu’on m’avait inculqué. Juger le plaisir, on nous l’apprend rapidement. Je ne me suis laissé aller qu’après avoir analysé leurs gémissements, leur souffle. Si j’avais d’abord cherché à ressentir plutôt qu’à comprendre, j’aurais certainement combiné mes deux premières fois.
Photos: Jérôme Sussiau
Texte: Anthony Navale