J’ai toujours été perplexe concernant Paris. Je ne supporte plus les gens dans ses rues. Je ne supporte plus l’odeur de certains quartiers, ni les habitants que je croise. Pourtant j’ai toujours voulu y vivre. J’ai toujours voulu en faire partie, de ces rues, de ces gens, et peut être de ces odeurs… Lorsque j’ai découvert cette trappe sur mon palier, je me suis rappelé pourquoi j’avais aimé Paris. Quand on l’observe depuis un toit, on l’apprécie sans subir ses parasites grouillants. C’est beau, c’est inégal, et c’est unique.
C’est aussi cette trappe qui m’a mené à lui.
La première fois qu’il m’a rejoint sur le toit, j’étais vexé. Pourquoi faut-il que les bonnes adresses soient prises d’assaut dès qu’on a le malheur de les découvrir ? D’autant que je n’en avais parlé à personne. Il est monté tout naturellement. S’est dirigé vers moi en plaisantant « excusez-moi, vous n’auriez pas une cigarette ? »
J’observais Paris depuis des semaines pendant que lui m’observait. Il était amusé de me voir tirer la gueule « en bas » et être serein ici. Je lui expliquais qu’il était correct, voire obligatoire d’être un zombie dans le métro, mais que chez soi, chaque parisien redevenait certainement humain. Ma vision de notre ville l’amusait. Il venait d’arriver, son accent le trahissait. Il y croyait encore. Pour lui, il suffisait d’oser. Oser parler aux inconnus, oser sourire « en bas », oser traverser la rue pour pénétrer dans l’immeuble d’en face et monter au dernier étage en espérant que l’accès vers le toit ne soit pas privatif, pour finalement oser demander une cigarette à quelqu’un qu’on observait. Il a eu raison.
Désormais, quand il pleut, il ne monte que chez moi.
Photos: Jérôme Sussiau
Texte: Anthony Navale