La nature reprendra ses droits. Elle ne les a d’ailleurs jamais perdus. Elle est toujours présente, et nous culpabilisons de la bétonner, de l’arracher, de l’empoisonner. Mais nous n’avons mis qu’un vernis à la surface de sa force. Et une fois qu’on aura bouffé tout ce dont on avait besoin, on disparaitra simplement. Et elle redonnera la place à d’autres. Moins cons. Les cafards sûrement. Il n’y a pas de choses naturelles ou non. Tout est naturel. Nous n’avons rien créé. Au pire nous l’avons modifié et rendu toxique, mais ça reste naturel. Nous ne sommes pas magiciens. Loin de là.
La magie aurait été de ne pas penser à notre confort. La magie aurait été de nous retenir, de nous discipliner. Mais je ne vais pas refaire l’histoire, c’est trop tard. Nous sommes déjà trop, nous sommes déjà morts. À l’échelle de l’origine de la terre nous ne sommes qu’une décharge électrique, un sursaut qui n’aura secoué que nous. Je ne cherche même plus à recycler quoique ce soit, je ne cherche même plus à économiser quoique ce soit, je me sens impuissant. Ma seule force est encore d’être conscient de tout ça, et tout particulièrement quand je vois les fleurs persister malgré l’entretien de mon jardin. Et davantage quand je suis bourré.
Ces déjeuners dans le jardin sont interminables. Alors je bois. Et plus je bois, plus je m’éloigne des autres pour m’échapper. Il m’arrive de voir une fleur, et de commencer à voir la distance entre nous, puis je continue de prendre du recul sur moi-même en réfléchissant au sens de tout ça. Ma conscience est pleine, contrairement à mon verre. Ce rosé est particulièrement fort aujourd’hui. Comme quoi la nature est capable de nous montrer sa force de différentes manières.
Photos: Monsieur Gac
Textes: Anthony Navale