eiffel

Du tourisme urbain.

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Un touriste dans le métro c’est comme un de vos voisins qui serait passé emprunter du sel et qui resterait dans votre entrée à observer votre habitat en vous attendant. Il n’est pas à sa place. Ce lieu ne lui est pas destiné directement, d’un point de vue touristique. Et pourtant, c’est pour lui la meilleure façon de découvrir une ville et ses quartiers, par la méthode la moins naturelle qu’il soit pour un humain : sous terre. Alors certes, ce n’est pas le panorama de ces intestins urbains qui va lui apprendre grand-chose, mais bien la population de la rame.

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Si le touriste a pu s’assoir, il réalise déjà son statut privilégié de vacancier dans une ville où la majorité des gens travaille. S’il reste debout, il comprend que les heures de pointes sont comme partout ailleurs : un enfer. L’affluence est aussi un indicateur important de grandes zones de vie. Si à un arrêt, le wagon se remplit subitement, c’est que cet arrêt représente une zone à forte attraction de population, il serait intéressant d’y descendre. La probabilité pour qu’une telle foule fuie quelque chose est quasi nulle, donc autant tenter la visite en se référant à cet indicateur. L’inverse est tout aussi valable et d’autant plus rassurant : tout le monde descend ? Alors suivons-les !

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Préparer son voyage trop à l’avance contraint le touriste à ne suivre qu’un parcours morne, déjà vu et surfait. « Je vais là-bas, donne-moi tes bonnes adresses ! » dénonce une attitude peu aventureuse. Pourquoi le touriste ne tenterait-il pas lui-même de les dénicher ses bonnes adresses ? Alors certes, un autochtone prend pitié d’un touriste quand il le voit s’aventurer dans un coupe-gorge reconnu, surtout quand ce dernier arbore la candeur d’un chaperon à l’orée du bois. Mais un parcours complètement aseptisé est-il vraiment souhaitable ? Le touriste qui s’est lancé dans le métro a déjà le prérequis d’un aventurier.

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Il ira vite. Il verra du monde. Il se fera une idée de la population rien qu’en parcourant l’ensemble de la ligne. Il pourra dire qu’il a vécu un peu de la réalité des habitants de la ville visitée. Combien de parisiens sont montés sur la Tour Eiffel ? Le pourcentage doit être loin de la majorité, alors qu’un parisien dans le métro, on frôle le 100% ! Un touriste ne doit plus se laisser guider, il doit retrouver sa curiosité et son goût de l’exploration. Ainsi son voyage, à défaut d’être agréable, sera mémorable !

Photos: Monsieur Gac

Textes: Anthony Navale

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De la construction d’opinion.

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Mes collègues sont idiots. Avec eux tout est voué à rester dans une case, et le summum de l’aboutissement n’est pour eux que leur travail. Comme si, avec toutes les prédispositions que nous avions dès la naissance, la seule chose qui vaille la peine de vivre soit le fait de répéter la même tâche, tous les jours, toute notre vie. Potentiellement, n’importe lequel d’entre nous est capable de créer une fission nucléaire ou écrire un opéra qui arracherait les larmes du dernier des salops. Potentiellement. Mais non, c’est beaucoup plus réconfortant de se cantonner à un rôle prédéfini par quelqu’un d’autre plutôt que de se laisser surprendre par sa propre inspiration. Car finalement c’est ça dont il s’agit. Si vous demandez à n’importe qui s’il souhaite un meilleur travail ou ne pas travailler du tout, la réponse sera positive dans les deux cas. Preuve en est que nos boulots sont à chier, et que les gens s’en contentent malgré tout. C’est idiot.

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La majorité des grues espèrent la même chose, un chantier simple et rapide avec des équipes qui respectent les délais. Je suis différente. J’aurais rêvé être Tour Eiffel ou encore soutenir un pont un tant soit peu esthétique, ou au pire servir sur des chantiers de musées. Mon patron me surnomme «la vedette». Non pas qu’il ait pris conscience de mon talent, mais l’originale sur un chantier a toujours droit à un surnom. Bourré d’ironie cela va sans dire. Mais ses remarques ne détruisent pas ma détermination non. Ce qui la détruit c’est la perception des personnes.

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Que les gens nous regardent c’est une chose. Au mieux un enfant sera ébahi par notre taille, et il peut, mais jamais la fascination n’ira plus loin. Eux aussi sont fermés au principe de «chacun à sa place». Une grue est une grue. Pourtant, ces mêmes personnes sont ébahies par la Tour Eiffel justement. Alors qu’elle ne se déplace même pas! Elle a juste eu le mérite d’être considérée comme une oeuvre. Donc, dites aux gens, et à mes collègues, que telle chose est une oeuvre, et elle le sera. Inversement, telle chose ne le sera jamais, et vous comprendrez mon malheur. Ne peut-on pas reprendre la classification? Ou la garder pour soi? Pourrait-on avoir nos oeuvres bien à nous, même si celles ci sont capables de déplacer des objets de plusieurs tonnes? Et en quoi ne serait-ce pas un art d’être capable d’une telle performance? A partir de maintenant je me considèrerai comme une oeuvre d’art. Capable d’en créer d’autres.

Photos: Monsieur Gac

Texte: Anthony Navale