religion

La chute des anges.

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La soumission viendra de la hauteur. Quoi de mieux que les cieux pour être condescendant ? Il suffit de se rendre inaccessible et mystique pour être crédible. D’autant que regarder en l’air, c’est inconfortable. La docilité se plie naturellement à ce qui lui est supérieur en taille. On baisse la tête pour se soulager de l’avoir trop levée. On se courbe devant la grandeur. Ces mouvements incessants de haut en bas les rendront confus. Leurs cervicales douloureuses les empêcheront de réaliser qu’avant, nous leur proposions plusieurs dieux et qu’aujourd’hui ils doivent n’en adorer qu’un. La science et ses explications avancent trop vite, nous devons nous adapter.

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Nous serons les missionnaires des cieux. Comme nous déterminons les règles autant s’attribuer un rôle, d’autant que des peintures et des écrits ne suffiront pas à faire régner notre ordre. Il nous suffira d’inventer des tenues qui sortent de l’ordinaire, s’élever de la masse par les apparences. Personne n’osera remettre en cause la crédibilité d’une personne bien apprêtée et brillante. Nous n’appartiendrons plus au peuple puisque notre message sera divin et que nous serons bien habillés. L’image passe avant le message. Celui-ci passera facilement une fois que nous aurons leur attention. Les insectes sont irrésistiblement attirés par la lumière. À nous de l’inventer.

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Il faudra aussi déterminer les règles et les interdits. Plus il y en aura, plus nous les éloignerons de nous. Les obstacles empêchent de s’approcher de la vérité. Les femmes tout d’abord. Entretenons l’idée qu’elles seraient inférieures et accessoires aux hommes. Même si ce constat se base uniquement sur la force physique, nous étendrons le concept à leur capacité de penser et d’être. Il serait aussi amusant de leur faire croire qu’on peut enfanter sans rapport charnel. Ils seraient capables d’y croire. Mettre une distance entre les sexes créera une querelle entre eux avant de nous atteindre. Ce rapport de force sera difficile à remettre en cause. Il sera toujours temps de réagir s’ils se réconcilient. L’acte sexuel également. Il faudra le rendre inaccessible et honteux, de telle façon que la distance provoquée entretiendra le malaise entre les individus. Si l’acte sexuel est limité, ils resteront loin les uns des autres, ils n’apprendront pas à se connaître et resterons méfiants. L’idéal à suggérer sera celui des anges, asexués et heureux dans les cieux. Nous avons suffisamment de temps devant nous avant qu’ils ne chutent.

Photos: Monsieur Gac

Texte: Anthony Navale

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Entre chiens et loups.

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Depuis que je les ai croisées, je ne suis plus la même. Tout s’impose à moi comme un choix. Je suis obsédée par tous ces choix que la vie m’impose. J’étais pleine de certitudes, je n’avais pas à choisir puisqu’IL me guidait. J’étais complètement passive entre ses mains puisqu’IL s’en était servi pour écrire ce que je devais faire. Mais j’avais tort. Je devais choisir, entre marcher dans l’ombre ou marcher dans la lumière. 

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La lumière, je la voyais partout. Mais j’ai commencé à comprendre qu’elle n’était que faible. L’obscurité l’étouffait. Au début, mon regard et mon esprit s’efforçaient de s’accrocher à cette lumière, à sa puissance. Je n’étais qu’un moustique idiot attiré par une lampe. Dès le lendemain matin de leur rencontre, je commençais à comprendre que mes appareils ménagers étaient plus éteints qu’allumés. Que mon salon était plus souvent dans l’ombre qu’en plein soleil. Je me suis même surprise à pester contre l’agent immobilier qui me l’avait présenté comme un avantage… En me rendant à mon Église l’après-midi, je me suis rendue compte qu’elle même censurait la lumière à travers des vitraux ! 

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La vieille dame que je suis aurait dû songer à la mort bien avant. Mais je m’en remettais à Lui. Et surtout, songer à la mort implique de se mettre à songer à la vie, à sa vie. Et c’est une antenne télévisée, astucieusement combinée à la lumière, qui m’a rappelé que ma mort n’était plus très loin. Je l’ai vue comme un signe de mort avant même de penser à un crucifix. Pour la première fois de ma vie, la croix représentait ma tombe et non le symbole de mon créateur… Le bilan de ma vie s’en suivit rapidement. En pensant bien agir, j’ai mis ce qui m’arrangeait dans la lumière. Ce que je ne voulais pas voir était stratégiquement relégué dans l’obscurité. D’une prétendue vertu, j’avais en fait mis en place un stratagème d’archivage définitif. Je ne prenais pas le temps d’analyser les gens ou les situations, ça partait soit dans l’un, soit dans l’autre. Les uns devenaient ma réalité et ma morale, les autres n’existaient simplement plus. L’obscurité n’existait plus, et je ne me suis mise qu’à la regarder à nouveau à cause d’elles… 

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Que foutaient-elles dans un lieu public ? Dans un cimetière qui plus est ! J’étais venue sur la tombe du Baron Haussmann comme j’aime le faire dès que la saison le permet, quand j’ai aperçu ces deux filles. Malgré mes prédispositions à mettre l’homosexualité dans l’ombre de mon jugement sans aucune forme de procès, j’ai su en les voyant que ce n’était pas deux amies en promenade. Non. Elles étaient ensemble. C’était un couple ! Qui s’aimait ! Et le simple fait d’avoir envisager la notion d’Amour entre deux femmes, m’a fait m’asseoir un instant. Je me suis même mise à rire dans mon malaise en voyant la sépulture d’Alfred de Musset et en repensant à sa liaison avec George Sand… Alfred et George… Et c’est là qu’est apparu le premier choix. Devais-je continuer mon malaise ou me laisser aller à plus de légèreté ? Devais-je rester dans le confort de ma lumière ou commencer à m’intéresser à tout ce que j’avais bazardé dans l’ombre ? Il était temps que je commence à faire cet inventaire, avant qu’on vienne s’asseoir sur la mienne, de tombe.

Photos: Grégory Stephan

Texte: Antoine Navale